Elle est l’un des visages bien connus du design luxembourgeois, exposée à l’Expo 2025 d’Osaka jusqu’au mois d’octobre.

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« Je fais du design pluridisciplinaire »

Rencontre avec Julie Conrad, une créatrice qui fait rimer esthétisme et écoresponsabilité, et fait rayonner le Grand-Duché sur la scène internationale.

Qu’est-ce qui vous a poussée vers le design ?

J’y suis entrée par hasard, car je ne savais même pas que ça existait. J’ai découvert mon école Creapole sur un stand d’orientation et j’ai adoré. Je pense que tout ça coulait de source : j’ai toujours été très manuelle, j’aimais comprendre comment les choses sont faites, tester, bricoler. Après mes études, je suis rentrée au Luxembourg où se déroulait en 2010 Design City, une biennale de design. J’ai trouvé ça super, je me suis dit que j’avais peut-être sous-estimé le marché luxembourgeois et que je pouvais y travailler. Au début, je faisais des petits jobs à côté, puis au bout de deux ou trois ans, je suis passée au design à plein temps.

Vous parlez de design, mais vous faites aussi de l’illustration, du graphisme, de la scénographie… Comment définissez-vous votre pratique ?

Je fais du design pluridisciplinaire. Beaucoup de choses me passionnent, les langues, le théâtre… et j’ai réussi à combiner tout ça dans mon travail. J’ai donc des projets variés qui me permettent d’explorer de nouvelles choses, mais je reviens toujours vers la matière, les objets dans l’espace. Même dans l’illustration ou le graphisme, le produit final est toujours tangible. Je crois que les gens font appel à moi pour ce lien à l’objet : j’aime choisir le bon papier, la bonne encre, travailler les pliages…

Quels sont les projets qui incarnent le mieux cette approche ?

Il y a Unpaper, un paravent conçu pour une exposition collective, qui a beaucoup voyagé et est aujourd’hui présenté à l’Exposition universelle d’Osaka 2025. Puis la montre LOXO, un de mes projets préférés, réalisé pour un client privé avec une artiste et un horloger suisse. En scénographie, j’ai aménagé la scène de la Philharmonie pour des pièces sans paroles destinées aux enfants, avec la contrainte de ne rien accrocher. Pendant la pandémie, j’ai créé Is(o)lands, une scénographie mobile pour huit pièces, un projet à une échelle inhabituelle pour moi, plutôt centrée sur le mobilier. En 2023, j’ai aussi conçu les trophées des Luxembourg Design Awards. Je voulais créer un objet qu’on ne cache pas, pour que les designers soient fiers de leur travail. Ils sont réalisés localement en monomatériaux : carton, liège et verre, et sans colle.

Ces trophées traduisent une démarche écoresponsable qui semble traverser tout votre travail…

Je suis très attachée à l’écodesign, c’était d’ailleurs le sujet de mon mémoire de master, à une époque où on n’en parlait pas autant qu’aujourd’hui. En tant que designer produit, on a une immense responsabilité : ce qu’on crée est produit, acheté, consommé. Je veux que ce que je crée soit durable, bien pensé, fabriqué proprement. Je travaille avec peu de colle, je pense au désassemblage, à la pureté des matériaux, j’évite de les mélanger pour pouvoir les recycler. Je veux que les objets que je crée soient chéris et longtemps gardés. Ces valeurs que j’ai sont très fortes et sont parfois une contrainte, mais elles m’aident aussi à être créative.

Vous revenez tout juste d’Osaka, où vous exposez vos Loom Chairs, qui ont aussi été montrées au Salon del Mobile à Milan. Vous étiez aussi présente dans le pavillon luxembourgeois de l’Expo 2020 de Dubaï. Qu’est-ce que vous retenez de ces grandes expositions ?

Les deux expériences étaient très différentes. À Dubaï, nous étions un groupe d’artistes et devions trouver un concept tous ensemble. J’ai collaboré avec le sound designer Patrick Muller sur Artefacts, une installation autour de la tradition de la poterie, avec de la terre luxembourgeoise imprimée en 3D. C’était enrichissant, mais j’en garde des émotions mitigées car c’était en pleine pandémie et Dubaï reste une destination controversée.

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« Je veux que ce que je crée soit durable, bien pensé, fabriqué proprement »

Osaka, c’était autre chose. Je n’ai pas eu à développer de nouveaux produits puisque les Loom Chairs existaient déjà et j’ai pu choisir parmi mes projets ceux que je voulais montrer dans le cadre de l’exposition présentée sur place.
J’ai aussi beaucoup échangé avec les trois autres designers luxembourgeois présents et dont j’admire le travail.
Et puis j’aime beaucoup le Japon, son esthétisme, la finesse de ses objets. C’était vraiment une opportunité rêvée pour moi.

Comment percevez-vous l’évolution du regard sur le design au Luxembourg ?

Les choses bougent, et j’en suis ravie ! Le marché reste dur, mais moins rude qu’à mes débuts : j’aimerais que les Luxembourgeois achètent plus local, au lieu de ne faire confiance qu’à des marques internationales. Difficile de faire émerger les talents dans ces conditions… Heureusement, Kultur | lx a changé la donne et nous ouvre des portes à l’étranger, on bénéficie avec eux d’un vrai soutien. Avec Design Luxembourg, dont je suis vice-présidente, on lance beaucoup d’initiatives pour fédérer le secteur. J’espère que le Luxembourg Design Festival, qu’on organise pour l’automne, deviendra pérenne.

Et à titre personnel, quel projet rêveriez-vous de réaliser aujourd’hui ?

J’aimerais aménager la vitrine d’un magasin ! Une vitrine forte, qui claque, pour une marque qui ose. Avec des matériaux plus écologiques que ceux qu’on a l’habitude d’utiliser, voire des éléments réutilisables après. C’est vraiment mon envie pour la suite.

jcds.lu

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