En mai prochain, l’artiste du Luxembourg Marie De Decker rejoindra l’élite des artisans d’art au Grand Palais à Paris, où elle exposera ses œuvres dans le cadre de la Biennale Révélations 2025. Une reconnaissance prestigieuse pour cette créatrice innovante qui, à travers un travail minutieux de la dorure, réinvente l’or comme une matière vivante et expressive. Sélectionnée parmi les meilleurs au monde, Marie de Decker exposera à titre individuel. Rencontre avec une artiste qui fait briller son art au-delà des frontières luxembourgeoises.

Félicitations pour votre sélection au Grand Palais ! Comment avez-vous appris la nouvelle et qu’est-ce que cela représente pour vous d’exposer à titre individuel ?

J’ai appris la nouvelle dans des circonstances presque surprenantes. Tout commence en janvier 2024. Sur les conseils d’une galeriste, j’ai candidaté pour la Biennale Révélations 2025, la biennale internationale des métiers d’art. C’est un événement incontournable, le Graal pour les artisans d’art, car seuls les meilleurs y sont représentés.

La réponse est arrivée très vite, en quelques semaines seulement. J’ai d’abord cru à un canular, car la mise en forme du mail ne correspondait pas à ce j’attendais. Je l’ai mis de côté, pensant à une erreur. Ce n’est que quelques semaines plus tard, en constatant que je n’avais reçu aucune autre réponse, que j’ai décidé de vérifier… et ce n’était pas une blague. J’étais bel et bien sélectionnée.

Exposer à titre individuel est une reconnaissance majeure. J’ai réinventé l’art de la dorure en appliquant des techniques traditionnelles à ma vision contemporaine. Être reconnue aux côtés de maîtres artisans très expérimentés confirme la pertinence de mon travail et m’encourage à aller encore plus loin.

Marie de Decker artiste luxembourgeoise Grand Palais

©Made Creative

Votre travail met en lumière l’or sous une forme très contemporaine. Pourquoi cet élément vous fascine-t-il autant ?

Photographe de métier, j’ai découvert l’or en 2021. Je souhaitais donner une nouvelle dimension à mes tirages et j’ai commencé à appliquer des feuilles d’or et des pierres précieuses sur mes portraits pour les rendre “éternels”. Ensuite, j’ai suivi une formation dans un atelier de dorure dans les Vosges pour en maîtriser les bases. Il m’a fallu deux ans d’expérimentation pour perfectionner mes propres techniques et leur donner une puissance inédite.

L’or est une matière fascinante. Il puise ses origines dans la création même de l’univers. Éternel et infini, il ne se détériore jamais. Il a toujours été associé au sacré, à la connaissance et à l’omniscience. À travers les âges, il a été perçu comme un miroir d’une force supérieure, un lien entre le visible et l’invisible.

Icone citation

Exposer à titre individuel est une reconnaissance majeure. J’ai réinventé l’art de la dorure en appliquant des techniques traditionnelles à ma vision contemporaine.

Quels types d’œuvres allez-vous exposer à Paris ? Avez-vous créé des pièces spéciales pour cet événement ?

Je tends de plus en plus à m’éloigner du support plat pour habiter l’espace avec mon or. Traditionnellement, la dorure se limite à orner des surfaces existantes : cadres, murs, moulures, par petites touches. Mais je veux que l’or devienne une matière vivante, autonome, presque douée d’intelligence.

Pour la Biennale Révélations 2025, je vais présenter des pièces monumentales qui incarnent cette vision, où l’or se libère de son rôle d’ornement pour devenir une entité à part entière. Ce sont des œuvres techniquement complexes et visuellement inédites. Mon but est que le spectateur soit transporté vers une nouvelle dimension, où l’or ne se contente plus de briller mais de vibrer, de témoigner, de raconter.

Marie de Decker artiste luxembourgeoise Grand Palais

©Made Creative

Votre art mêle influences africaines, asiatiques et européennes. Comment réussissez-vous à fusionner ces inspirations dans une seule œuvre ?

Mon parcours en art, design et histoire de l’art m’a permis de naviguer entre différentes époques et cultures. J’envisage mes œuvres comme des miroirs de la nature, composées de deux éléments fondamentaux :

  • Les plumes, qui symbolisent l’élévation, le ciel, l’infini ;
  • Les écailles, qui rappellent la terre, l’océan, le cycle de la vie.

Ce motif sans début ni fin représente pour moi l’origine et la destinée de toute chose. Il transcende les différences et crée un langage universel, dans lequel chaque spectateur peut projeter son propre héritage, sa propre vision.

Vous voyagez beaucoup pour nourrir votre créativité. Quel pays ou quelle rencontre a le plus marqué votre façon de créer ?

Ma rencontre avec les mangroves de l’océan Indien a été déterminante dans mon inspiration. Je m’y sens en parfaite harmonie avec les éléments.

J’y passe des journées entières sur mon paddle, à naviguer entre les tunnels des racines des palétuviers majestueux, observant les crustacés, les bébés poissons et les oiseaux qui s’y réfugient. Cet écosystème puissant et autonome m’inspire profondément, car tout y est façonné naturellement. Rien n’y est imposé, tout s’imbrique avec une logique et une beauté uniques.
Ce dialogue avec la nature influence mon travail, où l’or devient lui aussi un matériau libre et organique.

Travailler la feuille d’or est un art minutieux. Avez-vous un rituel ou une méthode particulière avant de commencer une œuvre ?

Je ne parlerais pas de rituel, mais plutôt de discipline. Mon processus repose sur trois piliers :

  • Dessiner chaque jour pour entraîner ma main à se mouvoir sans contrainte et développer ce que j’appelle “l’intelligence de la main” ;
  • Créer dans un état de concentration absolue, en éliminant distractions et superflu ;
  • Accepter l’exigence technique de la dorure, car une simple erreur peut ruiner des heures de travail et une matière précieuse.
    L’art doit s’appuyer sur la maîtrise d’une technique. À l’heure de l’intelligence artificielle, c’est ce qui nous différencie vraiment d’un robot.
Marie de Decker artiste luxembourgeoise Grand Palais

©Made Creative

En tant qu’artiste et artisane d’art reconnu, quels conseils donneriez-vous aux jeunes créatifs qui rêvent de faire de leur passion un métier ?

Never give up & keep learning !
Il faut être persévérant et curieux, ne pas hésiter à explorer différentes techniques et inspirations. L’identité artistique se forge dans l’expérimentation, les erreurs et l’observation du monde.
Mais il est aussi important d’avoir une vision claire de son projet et de ne pas négliger l’aspect entrepreneurial. Se former en gestion, communication ou marketing peut véritablement aider à transformer une passion en carrière viable.
Enfin, l’humilité et l’ouverture aux autres sont essentielles. Personne ne crée à partir du vide. Le dialogue avec d’autres artistes, galeristes et même son public nourrit la progression et donne du sens à la démarche.

Un rendez-vous incontournable, du 21 au 25 mai 2025

Avec son exposition au Grand Palais, l’artiste luxembourgeoise Marie De Decker franchit un cap décisif. Son travail, à la croisée de la tradition et de l’innovation, ouvre une nouvelle voie pour l’art de la dorure.
“Ce n’est pas seulement une consécration, c’est aussi une invitation à aller encore plus loin.”
Une chose est certaine : l’or de Marie De Decker continuera de briller.

À lire également

Des spectacles à vivre en mai au Luxembourg

Nos fleuristes préférés pour de sublimes bouquets au Luxembourg

Procès Harelle : immersion au cœur d’une affaire judiciaire bouleversante