Dix ans ont suffi à Sézane pour redessiner le paysage mode parisien, bâtir une communauté soudée et incarner une modernité assumée. À la barre, Morgane Sézalory, qui n’a jamais attendu les règles pour écrire sa propre histoire. Rencontre en questions-réponses avec une entrepreneuse qui trace sa route avec passion et détermination.

Quitter l’école à 17 ans. Photogra­phier des vêtements chinés dans son salon. Fédérer une communauté en ligne avant même que le mot “influenceuse” n’existe vraiment. Morgane Sézalory n’a rien fait comme tout le monde, et c’est précisément ce qui a façonné le phénomène Sézane. En un peu plus d’une décennie, sa marque a réinventé le vestiaire parisien et séduit des millions de femmes à travers le monde, tout en restant fidèle à une vision personnelle, presque instinctive, de la mode.

Sézane, c’est une success story à la française, bâtie sans levées de fonds spectaculaires ni campagnes tapageuses, mais avec une esthétique précise, une attention quasi artisanale aux détails et une communauté d’aficionados qui suivent la marque comme on suit une amie. Derrière cette aventure, il y a une femme qui a fait de l’intuition son outil le plus précieux.

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Vous avez quitté l’école très tôt pour suivre votre propre voie. Avec le recul, qu’est-ce que cette décision a façonné en vous, en tant que femme et entrepreneuse ?

Le choix de passer le bac en candidat libre à 17 ans, c’était déjà une manière d’affirmer ma liberté. « Ce besoin de liberté continue de guider mes pas aujourd’hui », explique Morgane Sézalory. Internet lui a ensuite ouvert un champ infini d’exploration : « Cela a permis à l’autodidacte que j’étais de déployer ma créativité et de trouver ma place, en apprenant à penser autrement, y compris la mode. C’étaient les premiers pas de Sézane. »

Vos parents vous ont soutenue très tôt dans cette indépendance. Quel rôle ont-ils joué dans votre parcours ?

« Mes parents m’ont toujours fait confiance, en me laissant chercher et trouver ma propre voie. » Un appui essentiel, combiné à un ancrage solide : « Ils avaient en même temps un côté très terre-à-terre. Ils m’ont appris à toujours suivre mon bon sens et à simplifier les choix pour avancer. Cette façon de voir les choses m’a beaucoup aidée. »

Au départ, étiez-vous poussée par l’envie d’entreprendre ou celle de créer les vêtements qui vous manquaient ?

Tout est né d’un hasard heureux. Ma sœur partait vivre à l’étranger et m’a laissé une grande valise remplie de vêtements qu’elle ne portait plus. J’ai eu envie de leur offrir une nouvelle vie.

Morgane sélectionne, photographie et met en ligne ces pièces vintage. Rapidement, l’initiative prend de l’ampleur : « De ce geste presque instinctif est née une aventure qui m’a menée jusqu’à la création du site Les Composantes, puis Sézane, où j’ai commencé à proposer mes propres créations. »

Vous parlez souvent d’intuition. Comment guide-t-elle vos choix aujourd’hui ?

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« L’intuition a toujours été mon meilleur guide. J’ai ce ressenti naturel depuis toute petite, qui continue de guider mes choix. »

Un instinct qui va de pair avec une grande capacité d’adaptation : « C’est aussi ce qui me pousse à me remettre en question, à me réorienter et à beaucoup échanger avec les équipes au quotidien. »

Comment résumeriez-vous l’ADN de Sézane ?

« Depuis les débuts, nous sommes guidés par l’envie de proposer les pièces les plus créatives possible, au prix le plus juste et sans intermédiaire », résume-t-elle. Chaque collection est pensée pour accompagner les femmes au quotidien, avec une attention particulière portée aux coupes et aux matières.

Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre à travers la marque ?

« Pour n’en citer que trois, je dirais la créativité, la qualité, la générosité. » Cette exigence dépasse la mode elle-même. Depuis 2018, Sézane soutient le programme solidaire DEMAIN, qui finance des associations comme Bibliothèques Sans Frontières ou Gustave Roussy. « L’envie de faire mieux qu’hier s’exprime dans chaque action, y compris dans la manière dont on soutient l’égalité des chances et l’accès à la santé, à l’éducation et à la culture. »

Sézane a toujours cultivé une proximité forte avec ses clientes. Comment la préservez-vous ?

« Sézane est née avec les débuts d’Instagram et la possibilité de créer une relation particulière avec nos clientes. » Rendez-vous réguliers en ligne, échanges spontanés sur les réseaux, expériences dans les Appartements… la relation est directe et sincère. « Je lis tous les commentaires et messages qui me sont envoyés, et je les prends très à cœur. Et je suis entourée d’une équipe qui partage cette même attention. »

Quels détails incarnent le mieux la “parisienne contemporaine” selon Sézane ?

Paris reste une source d’inspiration constante.

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« Je suis fascinée par les femmes autour de moi : dans ma vie personnelle, au sein des équipes ou même des inconnues croisées dans la rue. Souvent, c’est un détail qui capte mon attention, comme une broderie ou une manche en dentelle qui dépasse d’un pull. »

L’inspiration se nourrit aussi d’ailleurs, mais la signature Sézane reste ce mélange subtil entre élégance intemporelle et spontanéité.

Vous avez créé l’idée d’une “garde-robe idéale”. Quelle pièce la résume le mieux ?

« Une belle chemise », répond-elle sans hésiter. Cintrée comme la Tomboy, oversize comme la Max, brodée ou en dentelle… La chemise traverse les saisons et incarne l’indémodable par excellence.

Quel moment a marqué le vrai basculement vers l’international ?

« L’ouverture de notre première boutique à New York en 2017, puis Londres en 2018 », se souvient-elle. Ces lieux physiques permettent de rencontrer la communauté au-delà des écrans, tandis que le site continue de relier la marque à ses clientes dans le monde entier.

Votre modèle digital-first était visionnaire. Comment voyez-vous l’évolution du retail aujourd’hui ?

« Sézane a grandi en ligne, mais assez vite nous avons eu envie de créer des lieux pour accueillir nos clientes. » Pour Morgane, le futur du retail passe par une expérience hybride : digitale pour la fluidité, physique pour l’émotion.

Qu’apportent les boutiques que le digital ne peut pas offrir ?

« Nos boutiques sont pensées comme des Appartements : des lieux chaleureux où l’on peut flâner, échanger, toucher, essayer, découvrir la collection à son rythme. » Chaque détail compte, du mobilier au choix d’un tableau. « Ce sont des émotions différentes, que nous soignons tout particulièrement. »

Depuis 2013, qu’est-ce qui a changé et qu’est-ce qui reste inchangé ?

La passion, d’abord. « Créer les collections et imaginer l’expérience qui les accompagne me passionne toujours autant qu’au premier jour. » Et la fidélité des équipes aussi : « Je travaille avec certaines personnes depuis douze ans. Cette énergie collective est essentielle. »

Quelles silhouettes structurent l’automne-hiver 2025 chez Sézane ?

La saison met en lumière une ligne de manteaux retravaillée, comme le Kais, long à coupe droite avec un col en laine. Côté accessoires, le sac Gary se décline en cuir ou en daim, en format midi et maxi.

Une matière ou une couleur emblématique pour cette saison ?

« Sans hésiter, le daim », répond-t-elle. « J’aime la manière dont il se patine, gagnant en caractère au fil des saisons. » Vestes, jupes, robes, manteaux… la matière s’invite partout cet automne.

Quelle pièce imaginez-vous déjà comme un futur best-seller ?

« Le trench reste un incontournable de notre vestiaire. Après le succès du modèle Clyde, nous l’avons décliné en manteau pour cette saison, mais aussi en version midi, Carter, et courte, Bobby. » Des essentiels pensés pour durer.

Quel est votre rituel quotidien pour nourrir votre créativité ?

Morgane Sézalory s’inspire de tout. « Je peux voir le beau dans une couverture de livre ancien, une façade parisienne, une recommandation de film partagée au bureau… » Les idées naissent souvent là où on ne les attend pas : « En réunion, nos discussions dévient parfois vers la philosophie ou la littérature. C’est souvent comme ça qu’on finit par avoir une idée lumineuse. »

Que souhaiteriez-vous que l’on dise de Sézane dans dix ans ?

« J’aimerais que l’on décrive Sézane comme une marque vivante, en mouvement, qui n’a cessé d’évoluer pour faire toujours mieux que la veille. »

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