Valérie François nous ouvre les portes de son atelier de restauration de sacs de luxe, niché dans la capitale, chez elle à Howald. Véritable clinique pour les sacs à Luxembourg, Valérie y travaille pour prolonger la vie de ces accessoires inestimables. Elle les répare pour qu’ils puissent se transmettre de génération en génération ou d’une propriétaire à une autre.

« Je veux rendre les sacs de luxe accessibles »

Le parcours de Valérie commence en école de commerce. Elle démarre sa carrière un peu par hasard dans un cabinet de conseil, et après 16 ans, elle décide de quitter le secteur financier pour se lancer dans une nouvelle aventure. Valérie avait en tête depuis longtemps de faire la prestigieuse école de mode parisienne, l’Institut Français de la Mode (IFM). Elle y entre pour y suivre un Executive MBA dans le management de la mode fin 2019, sans but précis, mais convaincue que là était sa voie.

L’IFM lui ouvre les portes de la créativité, immergée dans un écosystème bien différent de celui auquel elle était habituée dans son ancien poste. Côtoyer des gens passionnés, créatifs et ouverts d’esprit, se frotter à d’autres secteurs et vivre dans la capitale de la mode fut un second souffle pour elle. C’est décidé, sa voie sera celle de l’entrepreneuriat. Sa première idée était de faire de la location de sacs de luxe, mais étant passionnée de vintage, Valérie décide également de créer son propre atelier de restauration.

©Camille Mutelet

Après avoir obtenu son diplôme, elle se lance en 2021 dans la création d’Handbag Expert. Valérie est autodidacte, mais elle a su se former progressivement, comme chez ce fournisseur à Strasbourg chez qui elle achetait des produits de restauration, et qui l’a accueillie pendant toute une semaine il y a quelques années pour se former aux gestes et méthodes qui font aujourd’hui sa renommée au Luxembourg.

Passionnée par les objets qui ont déjà vécu, Valérie adore les objets qui ont une âme, qui racontent une histoire, qui sont imparfaits. Elle aime ce qui n’est pas « lisse ». Valérie a son propre style en matière de restauration. Lorsqu’elle répare le sac d’une cliente, elle le fait « comme si c’était le sien ». Par exemple, elle ne refait jamais l’intérieur d’un sac qui lui appartient, pour conserver l’âme et l’imperfection de cet objet unique. Pour Valérie, les marques du temps sont « comme les lignes de la main ». Elle veut que son art reste authentique et respecte l’histoire de l’objet. Même si son travail consiste à restaurer, son but n’est pas de rendre à sa propriétaire un sac à l’égal d’un modèle neuf.

« J’aime ce qui n’est pas lisse »

L’expertise de Valérie s’étend à plusieurs compétences dans la restauration du cuir. Elle bichonne les sacs en les nettoyant, en hydratant les cuirs pour leur redonner un nouvel éclat. Elle effectue aussi de petites réparations telles que les griffures ou les petits trous, ainsi que des réparations plus poussées comme le comblement et la restauration du grain avec une empreinte et du cuir liquide.

©Camille Mutelet

Son savoir-faire comprend également la retouche de couleurs. C’est la partie la plus complexe de son travail. Retrouver à l’identique le pigment d’un cuir peut parfois prendre des jours, voire des semaines. « Il faut être extrêmement précise dans les dosages du mélange et très attentive pour déterminer la couleur parfaite. »

Son plus gros défi a été de réparer un accroc sur le dégradé d’un cabas Fendi en édition limitée au cuir lisse, allant du camel au marron foncé. Il fallait relisser le cuir et reproduire le dégradé. Une autre épreuve avait été de retrouver la couleur taupe d’un Birkin Hermès, une couleur propre à la marque. Le sac était vraiment très usé, et retrouver la couleur exacte a été très long. Valérie n’utilise jamais de cirage, qui risquerait de déteindre sur les vêtements de leur propriétaire. Pour une pigmentation plus qualitative, elle utilise un pistolet et des pigments liquides provenant de la sellerie automobile, pour éviter tout transfert et obtenir un résultat parfait.

« Mon but n’est pas de rendre à sa propriétaire un sac à l’égal d’un modèle neuf »

Valérie travaille également en étroite collaboration avec l’Atelier 23/11. Cet atelier parisien reconnu intervient lorsqu’une commande nécessite le remplacement de grandes pièces de cuir, le rallongement d’anses ou si une machine spécifique entre dans la restauration d’un sac.

Le bouche-à-oreille luxembourgeois est son plus grand atout et son travail soigneux fait le reste. Quand Valérie travaille sur un sac, elle apprécie l’aspect méditatif de l’artisanat, elle oublie tout. Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est de voir la satisfaction de ses clientes au moment de leur rendre leur précieux accessoire.

Un jour, elle se rend chez une cliente pour récupérer un sac à restaurer. Arrivée devant une magnifique demeure à Belair, appartenant à une dame très élégante de 70 ans, elle s’imaginait découvrir un sac classique de chez Chanel ou Hermès qu’il lui faudrait rénover. Mais au final, elle est repartie avec cinq sacs sous son bras : que des modèles collectors, ultra-modernes et déjantés, dont un sac Cadillac Dior par Galliano. Et oui, le style est avant tout une question d’identité et de personnalité et il n’y a pas de règles à suivre. Les sacs de ses clientes ne sont justement pas que des objets, mais des témoins qui reflètent qui elles sont.

Avec son activité, Valérie François veut rendre accessible la maroquinerie de luxe, et le concept d’Handbag Expert est basé sur un commerce circulaire. Le vintage est au centre d’une boucle dans laquelle on peut acheter une pièce de luxe, la louer, la rénover, la revendre pour en racheter une autre. Une démarche éco-responsable qui prolonge la vie de sacs dont la valeur émotionnelle et symbolique est sans prix.

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