Avec des applications comme Vinted, jamais il n’a été aussi facile d’acheter des vêtements d’occasion de qualité. Et ça, c’est tout bon pour le climat ! Du moins, c’est ce que l’on pourrait penser... Car l’app Vinted ne nous faciliterait-elle pas trop la tâche et ne ferait-elle pas qu’alimenter le consumérisme ? « Se mettre en mode fast fashion pour les vêtements de seconde main n’a bien entendu aucun sens ! »
Saviez-vous que, depuis 2000, nos déchets textiles envahissent le désert d’Atacama, au Chili ? C’est ce qu’écrivait le quotidien “De Standaard” en janvier, et les images satellites illustrant l’article étaient pour le moins choquantes. Plus de 60.000 tonnes de vêtements viennent s’y décomposer chaque année.
Selon les chiffres de l’Union européenne, les Européens jettent environ 11 kg de textiles par an. Et cette montagne de déchets illustre une énième fois combien la production de vêtements est nocive pour l’environnement. Selon les calculs, l’industrie mondiale du textile et de l’habillement a utilisé 79 milliards de mètres cubes d’eau en 2015 et, en 2020, le secteur du textile était la troisième source de pollution de l’eau et d’utilisation des sols. S’ajoute encore à cela le fait que l’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit plus que les émissions des vols internationaux et du transport maritime réunis.
Deuxième vie
Tous ces chiffres vous donnent certainement la nausée. Si tout le monde a bien conscience que l’industrie de la mode, telle que nous la connaissons, n’a que trop duré, les faits concrets nous poussent autrement à réagir. C’est ainsi que des alternatives telles que Vinted ont vu le jour. Sa grande popularité atteste d’ailleurs son succès : lancée dans notre pays en 2018, l’entreprise lituanienne compte désormais plus de trois millions d’utilisateurs belges inscrits.
L’approche plus durable de la plateforme séduit en effet de nombreux utilisateurs. Les témoignages de quelques connaissances le confirment : la plateforme Vinted est attrayante grâce à ses prix plus bas et à la possibilité qu’elle offre de donner une nouvelle vie à des vêtements et autres objets. « Grâce à sa notoriété, Vinted a rendu les vêtements de seconde main plus accessibles et plus populaires », explique Jasmien Wynants, experte en mode durable. « Ce changement d’état d’esprit est particulièrement positif, car il permet de prolonger la durée de vie d’un vêtement et contribue à réduire les déchets. » Mais il y a un « mais », et pas des moindres. « Vous ne réduisez cette montagne de déchets que si l’achat d’occasion remplace un article neuf. C’est la condition incontournable pour réduire également les émissions de CO2liées à la production d’un nouveau vêtement. »
« Il s’agit en fait simplement de réduire la consommation globale et d’acheter de manière plus responsable » Jasmien Wynants
Consommer plus
Les effets positifs sont amplifiés si vous portez les articles plus longtemps et si vous ne les revendez pas ou peu de temps après. Et c’est là que le bât blesse, car comme beaucoup de boutiques en ligne, Vinted conduit souvent à de mauvais achats. « Le plus grand piège, c’est que Vinted ouvre la porte à une plus grande consommation », explique Eline Reynders, blogueuse spécialisée dans le développement durable, « mais l’application occulte cela par l’idée que vous achetez d’occasion et que vous faites donc une bonne action ». En effet, cette application conviviale permet de faire défiler les articles à l’infini.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’app Vinted est née d’une addiction au shopping. Milda Mitkute, cofondatrice de l’application, manquait d’espace pour stocker tous ses achats. Justas Janauskas, ingénieur en informatique, a donc créé un site web lui permettant de vendre ses vêtements. « Se mettre en mode fast fashion – considérer les vêtements comme un produit jetable – pour les vêtements de seconde main n’a bien entendu aucun sens ! », affirme Jasmien Wynants. « Vu les prix bas pratiqués sur Vinted, le risque d’achats impulsifs existe bel et bien. Certains se rassurent peut-être en se disant qu’ils font un achat d’occasion ; or en achetant quelque chose dont vous n’avez pas besoin ou que vous ne porterez pas, vous ne posez pas un acte durable. »
Qui plus est, de nombreux articles sur Vinted ne sont pas d’occasion, mais plutôt inutilisés. Selon les recherches effectuées par Eline Reynders, cela concernerait en moyenne un article sur trois. « Nous ne sommes donc pas en train de réduire tant la production que nos achats, mais plutôt d’accélérer encore le cycle d’utilisation. Désormais, même nos erreurs d’achat se retrouvent sur Vinted ! » Parmi les autres facteurs qui posent question, il y a aussi les émissions de CO2 liées au transport, d’autant plus que de nombreux articles sont envoyés depuis l’étranger. De Groene Amsterdammer a analysé l’offre et a conclu que 40 à 45 % des vêtements proposés sur le site néerlandais proviennent de France, viennent ensuite l’Italie ou encore l’Espagne.
Agir avec conscience, de manière responsable : voilà sur quoi repose le caractère durable de Vinted. « Vu tous les avantages et les inconvénients, déterminer ce qui est durable peut sembler complexe à première vue », reconnaît Jasmien Wynants, « quand on aborde la chose du point de vue du consommateur. Il s’agit en fait simplement de réduire la consommation globale et d’acheter de manière plus responsable. Je pense que c’est à cela que nous devons prêter particulièrement attention, même lorsque nous faisons des achats d’occasion. »
Quelques conseils pour acheter mieux sur Vinted
Jasmien Wynants (experte en mode durable) :
- Réfléchissez bien avant d’acheter quoi que ce soit. Laissez le produit en favori pendant une semaine et posez-vous ensuite la question de savoir si vous le voulez toujours.
- Vous pouvez également éviter les mauvais achats en vous rendant dans une véritable boutique d’occasion où vous aurez la possibilité d’essayer les vêtements. Vous éviterez les transports inutiles et vous soutiendrez l’économie locale.
- Apprenez à porter un autre regard sur vos vêtements : ne les considérez pas comme jetables, mais plutôt comme quelque chose à chérir. Qu’il soit neuf ou d’occasion, il est important de réapprendre à investir dans la valeur d’un vêtement.
Eline Reynders (blogueuse sur elinerey.be) :
- Établissez une liste de souhaits et un budget afin de savoir ce que vous recherchez. Ensuite, affinez la recherche de manière à ne pas vous laisser distraire par d’autres choses. Filtrez également par lieu, afin de vérifier si le même article n’est pas disponible plus localement.
- Le vendeur a également un rôle à jouer, notamment en évitant aux acheteurs de mauvais achats, en proposant des articles en bon état, accompagnés de descriptions et de photos claires. Veillez en outre à fixer un prix équitable, en fonction du nombre de fois que vous avez porté le vêtement. Le prix proposé par Vinted est souvent trop bas, ce qui contribue à diminuer la valeur des vêtements.
- Pensez aussi à conserver les emballages pour les réutiliser quand vous vendez.
À LIRE AUSSI :
La capsule wardrobe : bien plus qu'une tendance
Joaillerie éthique : une affaire de famille chez LAÔMA Atelier