Astrophysicienne à l’Observatoire de Paris, professeur au Collège de France et présidente de l’Académie des sciences, Françoise Combes s’est arrêtée au Luxembourg le temps d’une conférence organisée en collaboration avec l’Ambassade de France au Luxembourg et l’Institut Grand-Ducal. Rencontre avec ELLE Luxembourg. 

Votre conférence sur l’origine de l’univers et des galaxies a attiré un large public. Comment l’expliquez-vous ?

C’est avant tout la curiosité qui motive cet engouement. Nombreux sont les gens, notamment parmi les astronomes amateurs, à s’interroger  sur leur origine. Le public s’intéresse également aux grandes structures de l’univers et à l’évolution des galaxies depuis le Big Bang. L’astrophysique devient aussi plus accessible quand on s’intéresse à des phénomènes remarquables comme les exoplanètes, ces planètes qui sont en orbite autour d’étoiles autres que le Soleil.

Pourquoi la question de l’expansion de l’univers fascine-t-elle autant ?

Jusqu’en 1998, on pensait que la gravité de la matière dans l’univers suffisait à ralentir son expansion. En étudiant la formation et l’évolution des galaxies, on a pu montrer que cette expansion s’accélèrait. Et cette découverte a conduit à l’introduction de l’énergie noire pour expliquer ce phénomène. Mais la nature de cette force mystérieuse nous échappe encore. Tout comme la matière noire, invisible, mais pourtant dominante dans l’univers : elle  reste l’un de ses plus grands mystères. 

Pensez-vous que certaines planètes pourraient être habitables ?

Il y a plus de planètes hors de notre système solaire que d’étoiles dans la Voie lactée (le nom de notre galaxie, ndlr).. Leur nombre pourrait donc dépasser les 200 milliards : combien d’entre elles sont habitables et habitées ? C’est la grande question. Certaines pourraient offrir des conditions favorables à la vie, mais la possibilité de communiquer avec d’éventuelles civilisations reste  très limitée. Les super-terres potentiellement habitables se compteraient par dizaines de milliards dans la galaxie. Il y en aurait une centaine dans le voisinage du Soleil, à moins de 30 années-lumière de nous. La galaxie la plus proche – la galaxie d’Andromède – se trouve  à plus de deux millions d’années-lumière.

Comment encourager davantage de jeunes femmes à s’orienter vers les sciences ?

C’est un véritable défi ; les stéréotypes de genre sont très ancrés dans notre société. Dès le plus jeune âge, les filles intériorisent l’idée qu’elles ne sont pas faites pour les maths, et qu’elles doivent étudier la biologie ou le soin à la personne. Pourtant, en classes préparatoires, elles réussissent souvent mieux que les garçons. Malheureusement, beaucoup se détournent ensuite des carrières scientifiques, pensant que l’astrophysique n’est pas pour elles. Malgré quelques progrès, la proportion de jeunes femmes dans les grandes écoles et les filières d’ingénierie recule. Les freins restent nombreux : stéréotypes sexistes, pressions sociales, voire discours masculinistes. 

Pourquoi Henrietta Leavitt s’est-elle imposée comme  une figure essentielle de l’astronomie ?

Elle a eu un rôle fondamental. À la fin du XIX siècle, les femmes n’avaient pas accès aux postes d’astronomes, ni même au télescope. Henrietta Leavitt travaillait à Harvard et était confinée comme « calculatrice » humaine : elle analysait des clichés d’étoiles, mesurait leur luminosité et les classait. C’est ainsi qu’elle a découvert une loi fondamentale, reliant la période de variation lumineuse des étoiles variables céphéides (un type d’étoiles variables) à leur luminosité intrinsèque. Cette relation a permis, plus tard, de mesurer les distances dans l’univers et de prouver son expansion. Elle a en définitive contribué à redéfinir notre vision de l’univers.

Quel est le rôle de l’intelligence artificielle dans vos recherches ?

Autrefois, des millions de citoyens participaient au projet Galaxy Zoo. Ce projet astronomique proposait à des participants de collaborer au projet de classification des galaxies et exigeait parfois une année entière : il peut désormais être réalisé par l’intelligence artificielle en une demi-journée. Cela fait plusieurs années qu’on utilise l’intelligence artificielle, mais ses capacités se sont considérablement accrues. Les modèles de langage (LLM), les générateurs de codes et les systèmes d’analyse automatique permettent désormais de découvrir de nouvelles lois scientifiques, notamment en cosmologie, à partir des « codes de lumière » que nous recevons des galaxies lointaines. Il ne s’agit pas d’intelligence robotique au sens de la science-fiction : ce n’est pas le robot qui pense à notre place. L’IA, grâce à ses  algorithmes, nous assiste et renforce notre capacité à explorer et comprendre l’univers.

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