À l’occasion du Festival Atlântico, la chanteuse capverdienne Mayra Andrade se produira à la Philharmonie Luxembourg le 11 octobre. Rencontre avec une artiste dont la voix traverse les frontières et les générations.
Beaucoup de vos fans vous ont découverte grâce à votre performance iconique sur COLORS. En tant qu’artiste, ressentez-vous une pression à être constamment visible et connectée à votre public ?
C’est une excellente question, mais je ne pense pas. J’apprécie énormément ma vie privée, le temps que je passe chez moi, le fait d’être connectée aux gens, dans la vraie vie. J’ai en moi suffisamment de vécu et d’expérience pour ne pas ressentir ce besoin de visibilité constante. J’aime m’éloigner de la scène pour mieux ressentir le manque et l’envie d’y revenir.
Les réseaux sociaux, je les utilise pour mon travail : pour transmettre des messages qui me tiennent à cœur et pour dénoncer certaines choses, surtout dans les temps que nous vivons. Mais je protège ma vie privée ; à vrai dire,depuis que je suis devenue maman, j’ai de moins en moins de temps pour les réseaux sociaux. Je n’ai aucun besoin d’être constamment visible. La plupart du temps, c’est mon équipe qui me rappelle qu’il faut partager davantage pour mon travail.
Contrairement à vos précédents albums, reEncanto est un album live et non un album studio, un choix original. Pensez-vous que ce format crée une connexion plus intime avec votre audience ?
reEncanto est né en 2022, alors que j’étais encore en tournée pour mon album Manga. J’étais également très impliquée dans la pièce de danse contemporaine Pantera, en hommage à Orlando Pantera, grand compositeur capverdien disparu il y a plus de 20 ans. C’est à ce moment-là que je suis tombée enceinte.
La maternité m’a transformée et j’ai ressenti un besoin profond de revenir à l’intimité, à ce format originel qui m’a vu naître en musique : ma voix et une guitare. Malgré plus de 25 ans de carrière, je n’avais jamais enregistré un projet dans ce format. Dans un monde saturé d’informations, déconnecté de son essence, reEncanto avait toute sa place.
Au départ, je voulais simplement donner quatre concerts guitare-voix au Portugal, sans avion, sans prétention, juste dans un cocon avec mon public. Mais la magie a opéré : trois ans après, nous sommes toujours en tournée. C’est mon projet le plus intime, et pourtant celui qui a créé la connexion la plus profonde avec le public. Dans ces concerts, il y a une énergie sincère, presque une communion. Je crois que collectivement, nous avons besoin de musique qui nous ramène à une fréquence plus vraie, plus unifiée.
Vous avez collaboré avec plusieurs artistes francophones. Avez-vous le projet de sortir à nouveau des chansons en français ?
Pourquoi pas ? Je fonctionne beaucoup à l’instinct, et tout dépend de ce qui fait sens dans le cadre d’un projet de manière générale.
Le Luxembourg compte une communauté capverdienne importante. Que ressentez-vous à l’idée de votre prochain concert à la Philharmonie Luxembourg, dans le cadre du Festival Atlântico ?
J’ai vraiment hâte de jouer à la Philharmonie du Luxembourg. Je ne connais pas encore cette salle, mais elle a l’air absolument extraordinaire ; je suis sûre que l’acoustique y est irréprochable. Et justement, ce projet guitare-voix s’y prête parfaitement, car il est plein de nuances et de détails.
J’espère que la communauté capverdienne et lusophone sera présente. Bien sûr, la musique n’a pas de barrière de langue et l’émotion se transmet partout – Dieu merci, car mon public est très varié selon les pays –, mais c’est vrai que lorsqu’on a notre communauté avec nous, on se sent particulièrement soutenu. Certains rythmes, certains messages résonnent autrement. Je suis vraiment heureuse que le festival m’ait programmée.
Votre musique touche des personnes de tous horizons. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes chanteurs qui s’inspirent de votre parcours, surtout dans un monde marqué par l’hyper-visibilité et les tendances éphémères ?
Je ne peux partager que ce qui a fonctionné pour moi. Après 25 ans de carrière, je vis toujours de ma musique et je peux regarder mon parcours avec un sentiment de cohérence. Cette cohérence vient du respect que j’ai toujours eu pour l’esprit créatif – avec un grand E. Pour moi, la musique et la spiritualité sont profondément liées depuis mon enfance.
Lorsqu’on respecte la musique comme un être qui nous accompagne, qui nous ouvre des portes, on fait moins n’importe quoi. Tout dépend du « pourquoi » on fait de la musique. Mais je m’adresse ici aux artistes qui sont nés artistes : ceux qui créent parce qu’ils en ont besoin. À eux je dirais : soyez vous-mêmes, respectez la musique comme vous respectez vos grands-parents, et battez-vous pour votre liberté créative. Car on peut vite être enfermé dans des cases. Il ne faut jamais le permettre. Exercez votre don musical comme vous exercez votre droit à la liberté.
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