À l’affiche de plusieurs séries et de longs-métrages, dont Lief fir mech , de Mark de Cloe, présente sur scène au théâtre, la comédienne polyglotte Marie Jung, née au Luxembourg, multiplie les projets. Elle vient tout récemment de prêter sa voix pour conter le célèbre récit De Pierchen an de Wollef avec l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg.
Vous êtes Tamara dans Lief fir mech de Mark de Cloe. Que vous a appris ce rôle ?
Lief fir Mech- Live for me aborde les thèmes de l’esprit combatif, de l’espoir, de l’amitié, du premier baiser et de l’importance de se soutenir mutuellement. En tant que mère, ce drame inspiré d’une histoire vraie m’a beaucoup touchée. J’ai travaillé ce rôle en faisant appel à toute la palette d’émotions qui m’habitent. Interpréter une mère qui voit sa fille adolescente mourir, c’est très difficile à accepter. Mais chaque projet, à l’image de la vie, porte un enseignement. Il faut que quelque chose me « morde » dans un rôle : ce fut le cas.
Après avoir incarné deux rôles de mères, l’un dans Acide et l’autre The Wolf, the Fox and the Leopard, avez-vous le sentiment que ce type de personnage vous soit proposé régulièrement ?
Oui, comme au théâtre, il y a des périodes où l’on joue les rôles de jeunes premières, puis d’autres où l’on endosse ceux de mères. J’ai failli refuser mon rôle dans Acide – un thriller écologique qui raconte l’histoire d’une famille prise au piège d’une pluie acide dévastatrice – Quand j’ai été rappelée pour la deuxième audition de ce film, j’ai regardé les bottines de ma fille dans le couloir, et là, j’ai vraiment hésité à incarner le rôle de Deborah, la mère du jeune garçon dans Acide. Ce rôle m’a particulièrement marquée, d’autant que le film a été présenté au Festival de Cannes, où j’ai eu l’honneur de monter les marches. J’ai tourné le rôle de Wyona en anglais – mère adoptive du personnage principal dans The Wolf, the Fox & the Leopard– encore plus éloigné de moi par la violence que j’ai dû exprimer et aussi, par mon apparence : j’avais le crâne rasé. J’ai ensuite changé complètement de registre dans la série The Deal — qui traite de la négociation de l’accord sur le nucléaire iranien — de Jean-Stéphane Bron, où j’incarne Priyanka Doucet.
Éprouvez-vous du plaisir à être actrice ?
C’est un métier qui a ses difficultés. Je ne me considère pas seulement comme une actrice, mais aussi et modestement comme une artiste. Il m’est impossible d’échapper à cette manière de ressentir et d’éprouver le monde. À mon âge, on commence à récolter ce que l’on a semé, à avoir des propositions. Rien n’est acquis dans ce métier : il faut sans cesse se remettre en question. Comme le disait Leonard Cohen, « There’s a crack in everything » : il y a une fissure dans tout, c’est dans ces fissures que naissent le doute et les idées. Être artiste m’aide à supporter la réalité. J’écris des poèmes pour transformer ce que je reçois chaque jour, c’est un peu comme modeler la terre et façonner quelque chose de nouveau.
L’intelligence artificielle (IA) est devenue un outil pour répéter des rôles. L’utilisez-vous ?
Peut-être que certains acteurs y ont recours, mais en ce qui me concerne, je suis très auditive. Je dois répéter avec ma voix. Mes textes sont dans plusieurs langues ; en allemand, suisse-allemand, luxembourgeois, néerlandais, français et anglais. Chaque langue a sa tonalité, et donc sa propre manière de transmettre les émotions. Je répète en plaçant ma voix et en maîtrisant mon souffle pour donner vie à mes rôles.
Mon corps est mon instrument.
Diriez-vous que votre carrière se concentre sur des territoires où le cinéma est moins visible à l’international ?
Mon atout principal est de parler plusieurs langues. Des films comme celui de David Verbeek, The Wolf, the Fox & the Leopard a été présenté en première mondiale au Tribeca Film Festival. (Un festival de cinéma indépendant annuel qui se déroule à New York). L’important n’est pas tant, pour moi, la simple visibilité internationale que le chemin parcouru.
Inciteriez-vous de jeunes femmes à faire votre métier ?
Il m’est difficile de donner des conseils, car c’est toujours délicat et aléatoire. Pour celles qui souhaitent devenir comédiennes, il faut le faire par passion et non pour l’argent ou avec l’idée que « je le mérite ». Bien sûr, on peut imaginer le succès, mais il peut y avoir toujours le revers de la médaille. Il faut souvent au moins dix ans de travail pour qu’un rôle ou un projet nous fasse connaître. À la fin de la journée, c’est la réalité qui l’emporte.
Avez-vous un message pour les lectrices de ELLE Luxembourg ?
J’aime que le nom du magazine ELLE soit écrit en lettres majuscules. Je souhaite que toutes les femmes puissent s’écrire elles-mêmes ainsi : se reconnaître et être reconnues pour ce qu’elles sont, sans chercher à plaire aux autres.
Biographie sélective de Marie Jung
Née au Luxembourg en 1985 et élevée en Suisse, Marie Jung a étudié le théâtre au Max-Reinhardt Seminar de Vienne.
Elle a été membre des ensembles du Münchner Kammerspiele et du Thalia Theater, collaborant avec des metteurs en scène renommés tels qu’Anna Viebrock, Luk Perceval, Tian Gebing et Ene-Liis Semper.
Depuis 2020, de retour au Luxembourg, elle participe à de nombreuses coproductions internationales en Europe.
Filmographie sélective
2012 – Hannah Arendt de Margarethe von Trotta
2016 – Egon Schiele: Tod und Mädchen de Dieter Berner
2020 – Io Sto Bene de Donato Rotunno
2022 – Jakobs Ross de Katalin Gödrös
2023 – Acide de Just Philippot; Laif a Séil de Loïc Tanson
2025 – The Wolf, the Fox and the Leopard de David Verbeek ; Lief fir Mech-Live for me de Mark de Cloe
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