Parfois un SMS change votre destin. C’est ce qui est arrivé le 3 août 2024 à Laura Thorn, jeune chanteuse luxembourgeoise et professeure de solfège au Conservatoire, contactée à la fin de ses études par deux compositeurs parisiens qui lui proposent une drôle d’équation : une chanson, un concours télévisé, une scène géante.

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« Ils cherchaient une interprète luxembourgeoise pour représenter le pays à l’Eurovision. J’ai dit oui. Parce que je savais que je ne supporterais pas de me dire un jour : et si j’avais laissé passer ma chance ? »

Quelques mois plus tard, la voilà dans une Rockhal bondée, sous les projecteurs du second Luxembourg Song Contest. Elle gagne, elle part à Bâle, elle chante devant des millions de téléspectateurs. Et le lundi matin suivant ? « Je suis retournée corriger des copies comme si de rien n’était. »

Une enfance sans accrocs, une scène sans peur

Très tôt, Laura a pris conscience de la joie incommensurable qu’elle ressentait lorsqu’elle était sur scène. Littéralement. Ses premiers pas sous les projecteurs se font en tutu, lors d’un spectacle de danse au centre polyvalent de Schifflange. « Je crois que j’avais six ans. C’était un petit spectacle de danse, une choré de trois minutes. » Rien d’inoubliable, sauf une chose : la scène ne l’effraie pas. Jamais.

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« J’ai toujours eu de bonnes expériences sur scène, face à un public. Et ça, ça change tout. Si on vit des choses difficiles très tôt, ça reste. Moi, ça m’a juste donné encore plus envie de continuer. »

Laura suit un parcours très classique : piano, solfège, violoncelle, harmonie, contrepoint. À côté, elle chante de la pop à la maison, pour le plaisir, pour elle. « J’ai toujours adoré ça, mais jamais je ne me suis dit que j’allais en faire un métier. » Sa première fois seule au micro, c’est à 17 ans, sur un titre d’Hozier. Déclic silencieux.

Prof le jour, scène le soir : une double vie assumée

© Sarah Louise Bennett

Laura enseigne au Conservatoire d’Esch-sur-Alzette. Chant, solfège, techniques vocales… Son emploi du temps est millimétré, son corps est son outil. Alors elle en prend soin. « Je commence chaque journée par du sport. Une demi-heure dehors, du yoga, un peu de renforcement musculaire. Si je ne prends pas une heure pour moi le matin, je ne tiens pas. »

Elle le dit sans fard : c’est sa rigueur de musicienne classique qui la sauve. Le piano, qu’elle maîtrise parfaitement, lui fait gagner un temps fou. L’harmonie, le contrepoint, lui permettent d’écrire des exercices de solfège en un clin d’œil. « Tout ce que j’ai appris avant me sert chaque jour. C’est un vrai gain de temps et d’énergie. »

Et ses élèves ? Ils l’adorent. Et elle aussi. « J’ai une très bonne entente amicale avec presque tous mes élèves. Je veux qu’ils aient hâte de venir. Que la musique soit un plaisir, pas une corvée. Et moi, j’y passe six heures par jour, autant que ce soit joyeux. »

Un message reçu cinq sur cinq

Le fameux SMS des compositeurs parisiens arrive juste après son recrutement au Conservatoire — le timing est loin d’être idéal. Mais Laura dit oui. Parce qu’elle a trop peur de regretter ; parce qu’elle croit en ce que la vie met sur son chemin, aussi.

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« Je me suis dit : si j’entends cette chanson à la radio dans trois mois et que j’ai dit non, je vais le regretter jusqu’à mon dernier souffle. »

Elle envoie une vidéo. Ils adorent. Elle enchaîne les auditions, jusqu’à la finale. « Pour moi, le vrai rêve, c’était de chanter à la Rockhal. Je n’imaginais pas du tout aller aussi loin. »

Quand elle gagne, la joie est mélangée à un vertige immense. « La première chose que je me suis dite, c’est : dans quoi t’es-tu embarquée ? Comment vas-tu gérer avec le Conservatoire ? »

Mais elle assure, l’effet passion sans aucun doute. Elle organise, elle gère, elle s’adapte. Son équipe la soutient, RTL cale les déplacements en dehors de ses heures de travail. « Franchement, j’ai eu une team de rêve. C’était une première expérience parfaite. Et je sais que c’est rare, dans ce milieu. »

©Tetiana Popyk

La poupée, le show et l’héritage

La chanson s’appelle La Poupée monte le son, comme un clin d’œil à France Gall et à l’Eurovision 1965. Une boucle bouclée. « Les compositeurs ont eu une idée de génie. C’est la première chanson de l’Eurovision qui fait un lien aussi direct avec une autre chanson du concours. On a écrit un petit bout d’histoire. »

Et le message ? « La poupée que je chante ne se laisse plus faire. » Féministe ? Affirmée, plutôt. Laura reçoit des dizaines de messages, notamment de pères fiers d’entendre une chanson qui donne de la force à leur fille. Elle en est bouleversée. « Mais pour ma propre musique, ce que je veux avant toute chose, c’est partager des émotions personnelles. »

©Sarah Louise Bennett

Une comédie musicale en trois minutes

Le show à Bâle, c’est une machine de guerre. Des chorégraphes berlinois, une production ukrainienne, des PowerPoints, des moodboards, des conférences de validation. « Mais à la fin, le spectacle me ressemblait : chant, danse, storytelling. Un vrai mini-musical. Tout ce que j’aime. »

Laura rit et est profondément émue quand elle évoque ce moment.

Vingt-deuxième et fière

Elle termine 7e sur 16 en demi-finale, 22e sur 37 en finale. Aucun regret. « Je voulais être en finale. C’est le show que tout le monde regarde. Ça aurait été dommage de préparer tout ça pour que personne ne voie la performance. »

Et après ? Elle retourne au Conservatoire. Avec, dans sa valise, une visibilité nouvelle, des concerts qui s’annoncent au Luxembourg et à l’étranger, des projets plein la tête, des étoiles dans les yeux. Mais pas de plan figé.

Elle sourit : « Je continue à dire oui à ce qui vient. Ça m’a bien réussi jusqu’ici. »

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