Sourire affiché sur les portraits officiels disséminés dans le pays, son Altesse Royale la Grande-Duchesse Maria Teresa de Luxembourg n’en demeure pas moins une énigme pour beaucoup. Au-delà de l’image de papier glacé, son règne n’aura pas été un long fleuve tranquille. Rencontre avec une femme de cœur qui se sent plus libre que jamais.
« 25 ans. La vie nous apprend à accorder moins d’importance à certaines choses et davantage à être soi-même ». Mais cette quête d’authenticité ne va pas sans contraintes. Elle souligne que, malgré tout, un rôle public impose un cadre rigide sur ce qui est considéré comme « acceptable ».
Pourtant, ce ne sont ni la famille royale ni la population qui lui auront causé le plus de soucis dans ses premières années de mariage. « Le conservatisme venait de notre entourage, de ceux qui se croyaient les gardiens de l’institution et pensaient tout savoir mieux que la famille ». Un constat sans fard qui en dit long sur la pression exercée par le cercle élargi des courtisans et des observateurs de l’époque.
Quant à son origine bourgeoise et étrangère, elle affirme n’avoir jamais ressenti de rejet à ce sujet, ni de la part des Luxembourgeois, ni de sa nouvelle famille. « Quand je suis entrée dans la famille royale, je savais comment me comporter grâce à l’éducation impeccable que j’avais reçue. Cela fait partie des raisons pour lesquelles j’ai été acceptée dans la famille, j’étais perçue comme l’une des leurs ».
Pourtant, au-delà de cette aisance sociale, elle revendique un trait de caractère profondément ancré en elle, son tempérament latin. « Mon côté chaleureux et expressif fait partie de ma nature profonde, et je ne voulais jamais m’en séparer ». Elle a toujours aimé entrer en contact avec les gens, les prendre dans ses bras, leur sourire. « C’est un privilège d’être en position de pouvoir apporter du bonheur et de la consolation ».
Passer à une vie publique aura été pour Maria Teresa le plus lourd tribut payé à son histoire d’amour. Un changement qui s’est opéré sans transition dès ses fiançailles. « À partir du moment où mon nom est tombé dans la sphère médiatique, une partie de moi ne m’appartenait plus, il n’y avait plus de retour en arrière ». Une liberté perdue ? « Je vais vous dire la vérité, je me sens une femme beaucoup plus libre aujourd’hui que je ne l’étais à 25 ans ».

Osez revendiquer qui vous êtes.
En pleine révolution, sa famille quitte Cuba en 1960 pour s’installer à New York. Elle avait à peine trois ans. Mais quand l’idée d’un retour au pays natal disparaît, ses parents choisissent l’Europe. C’est ainsi qu’âgée de huit ans, Maria Teresa pose ses valises à Genève, où elle passera l’essentiel de son enfance, rythmée par des étés à Santander en Espagne chez ses grands-parents.
« J’ai eu la chance d’être éduquée d’une manière très privilégiée, mais aussi très stricte. En réalité, toute ma vie a été marquée par des contrastes, un véritable cocktail culturel ». Un grand écart entre maison et école, entre traditions familiales et environnement libéral, qui aura façonné son identité. « Un moment clé pour moi fut lorsque nous sommes apparus sur le balcon avec mon mari, alors Prince Héritier, le jour de notre mariage. Nous avons été accueillis avec une telle chaleur ! ». Ce jour-là, Maria Teresa a trouvé ce qui lui avait manqué jusque-là : un ancrage.

Blouson perfecto en drap de laine crème, Aude De Wolf. Maxi collier plastron en cristaux taillés, Maison Natan. Pantalon en crêpe et satin crème, Max Mara.
« Avant cela, je n’avais pas de véritable sentiment d’appartenance à un pays. J’ai grandi dans tant d’endroits différents ». Cette journée a tout changé. « Ce jour-là au balcon, j’ai embrassé ce pays qui m’accueillait, et de la même manière, le Luxembourg m’a embrassée ». Un retour à Cuba n’a été envisagé que récemment, tant elle préférait se considérer uniquement comme luxembourgeoise et européenne. « Je suis retournée à Cuba en 2002 avec ma sœur et deux de nos enfants ». Ce n’est que sous l’impulsion de son mari le Grand-Duc Henri qu’elle franchit ce pas. « Ce voyage m’a profondément transformée. J’ai compris une part essentielle de qui je suis ».
Forte de ce vécu, elle encourage les femmes qui vivent au Luxembourg : « Osez revendiquer qui vous êtes et n’ayez pas peur de vous affirmer pleinement et de prendre votre place ». Un appel à l’affirmation de soi qui va au-delà des revendications d’égalité et vient puiser sa source dans sa conviction qu’une société est plus riche de sa diversité. Cela lui rappelle le conseil que sa mère lui avait prodigué le jour de son mariage, « S’il te plaît, ne change pas ». Un vœu qu’il a été extrêmement difficile à tenir, confesse-t-elle sans détour.
Une liberté abandonnée
« Je me suis souvent sentie seule », confie-t-elle avant de souligner l’importance cruciale ces dernières années de Chékéba Hachemi, sa «sœur de combats » d’origine afghane. Leur amitié repose sur des parcours étonnamment similaires. « Nous sommes toutes les deux des exilées adoptées, éduquées en grand écart, dans des familles très conservatrices vivant dans des pays libéraux ». Cette connexion profonde lui a offert un soutien précieux dans ses nombreux combats en faveur des droits des femmes.
En contraste, son Altesse Royale évoque des moments de bonheur éclatant, parmi lesquels les naissances de ses enfants. « Chaque naissance a été pour moi un bonheur total ». Elle décrit aussi ses grossesses comme des périodes presque salvatrices. « Chaque grossesse était un merveilleux moment hors du temps. Je ne voyageais plus et je n’avais plus autant de vie officielle. Donc j’avais moins de stress ».
Peu de gens le savent, mais pendant toute la période où son mari était Prince Héritier, Maria Teresa n’avait aucune aide au cours de nombreuses missions économiques où elle accompagnait son mari, aucune femme de chambre. Elle a appris à tout gérer seule. « Quand nous faisions des missions économiques, il n’y avait personne pour m’accompagner. Je faisais et défaisais les valises, m’occupais de mes habits, me maquillais, me coiffais, entourée par une délégation d’hommes qui ne s’embarrassaient pas de changement de tenues et s’attendaient à me voir impeccable en toute circonstance ». Encore aujourd’hui, son Altesse se maquille seule.

Visage : Sisleÿa lotion de soin essentielle. Sisleÿa l’intégrale anti-âge sérum concentré fermeté. Sisleÿa l’intégral anti-âge jour et nuit. Sisleÿa l’intégral anti-âge crème contour des yeux et des lèvres. Double tenseur. Teint : Primer Instant Perfect. Fond de teint : Sisleÿa Le Teint Ivory Beige. Anti-cernes : Phyto Cernes Éclat 2,5. Blush : Phyto Blush Corail. Illuminateur : Stylo Lumière 3. Poudre : Blur Expert 1. Yeux : Phyto Ombre Éclat Liquide 3. Mascara : So Intense Noir. Crayon yeux : Phyto Khôl Mat Tonka. Sourcils : Phyto Sourcils Design Châtain. Fixateur sourcils : Phyto Sourcils Fix 1. Lèvres : Phyto Lip Balm 2.
La mode fait partie intégrante de la vie de la Grande-Duchesse et elle prend plaisir à s’habiller. Dans la fonction qu’elle occupe, ses tenues élégantes doivent faire honneur au Luxembourg et elle mesure le poids des attentes parfois décalées de ceux qu’elle rencontre. « Je me souviens avoir visité une école juste après mon mariage, une petite fille pleurait car elle était déçue que je ne sois pas arrivée en robe de mariée et diadème sur la tête ». Elle attendait une vision de princesse. Cette anecdote s’est reproduite à d’autres reprises. L’imaginaire a la vie dure.
Des tenues, son Altesse prend aujourd’hui plaisir à s’en procurer. « Je tiens à préciser que je n’ai jamais accepté que l’argent du contribuable soit utilisé pour mes tenues ». Ces dépenses se font donc par la fortune familiale.
Une solitude profonde
Au Luxembourg, dès ses années de jeune mariée, son Altesse Royale se lie avec Christine Tesche, sa plus grande amie, disparue des suites d’un cancer et partie si tôt qu’elle a laissé un vide difficile à combler. Pendant ses années d’héritière, Maria Teresa s’est sentie isolée et n’a pas su retrouver ce lien si fort pendant longtemps. « J’ai rencontré beaucoup de gens et tissé quelques liens, mais je n’ai jamais retrouvé une amie véritable. Une de mes grandes souffrances a été ma solitude ». Son refuge aura été ainsi sa famille, et surtout celle qu’elle s’est construite. « Ma valeur première en amitié est la bienveillance, c’est la qualité la plus précieuse ».
Un couple soudé
Dès leurs premières années de couple, Maria Teresa et Henri semblent unis par une complicité profonde. Un lien qui leur a offert une solidité précieuse lors des périodes de turbulence qu’ils ont traversées. La période du rapport Waringo qui a suivi l’organisation de son forum humanitaire au printemps 2019 a été particulièrement douloureuse pour Maria Teresa. Bénéficier du soutien indéfectible de son époux lui aura permis de faire face à ce qu’elle a vécu comme un harcèlement et un acharnement médiatique injuste.

Cape à volants en organza imprimé, Maison Natan. Top et pantalon, Maison Natan. Bijoux de la couronne : Diadème de diamants, dans une création de feuilles de vigne et bourgeons, parsemés de diamants, taille ‘en rose’ et ‘brillant’. Milieu 19e siècle. Clips d’oreilles, émeraudes et diamants, provenant d’une broche de la Reine Astrid. Bracelet et bague en or blanc, émeraudes et diamants. ©Stephen Mattues
Son Altesse Royale nous raconte qu’il était terrible de voir le Grand-Duc dans l’incapacité de défendre son épouse comme il l’aurait voulu. « Au-delà de cette situation particulière, mon mari mérite un hommage particulier pour son attitude admirable ». Contrairement à d’autres qui auraient pu ressentir de la rivalité ou de l’inquiétude face à l’influence croissante de leur partenaire, il a toujours agi avec sérénité. « En tant que féministe, il accepte et soutient pleinement ma place, même si cela peut parfois surprendre ou déplaire à notre entourage ». Une position disruptive, dans un contexte monarchique où les rôles et les prérogatives sont souvent bien définis et où l’on voudrait que le rôle de la Grande-Duchesse soit purement représentatif.
Son tempérament chaleureux et aimant a profondément touché son époux, au point de devenir un pilier de leur relation. « Mon mari m’a toujours dit : ‘j’ai trouvé en toi un amour et une chaleur que je ne connaissais pas, dont je n’avais pas l’habitude’ ». Elle évoque avec tendresse leurs premières années ensemble, notamment leur période universitaire, où ils bâtissaient les fondations de leur couple. « Quand cela commençait à devenir plus sérieux entre nous, on ne savait pas si on pourrait se marier un jour ». Ces discussions, parfois teintées de doute, les ont conduits à réfléchir à des questions profondes sur le rôle qu’ils pourraient jouer. « On parlait de ce que c’était d’appartenir à une monarchie, de ce qu’on pouvait s’apporter mutuellement, de ce que cela voulait dire dans le XXe siècle. On avait beaucoup d’idéaux ».
La philanthropie en héritage
« Ma vocation à moi, c’était le travail humanitaire, quelle que soit ma vie ». Son Altesse insiste sur l’importance de ce qu’elle considère comme indissociable de son identité. Un engagement soutenu de manière constante par le Grand-Duc, qui lui a permis de continuer à œuvrer pour des causes qui lui sont chères, malgré les défis rencontrés en cours de route. « Même lorsque beaucoup essayaient de m’empêcher de développer ce rôle qui sortait des sentiers battus, mon mari était toujours là pour m’encourager. Il faut avoir un dos très solide pour maintenir le cap. Mais cet ADN humanitaire, c’est mon héritage transmis de génération en génération ».

C’est un privilège d’être en position de pouvoir apporter du bonheur et de la consolation.
Issue d’une famille cultivée, influente et philanthrope, Maria Teresa baignait déjà dans une tradition de générosité qui trouve ses racines dans des actions concrètes et visionnaires comme celles de son arrière-grand-père, Laureano Falla. « Je viens d’une famille qui, bien qu’extrêmement fortunée, utilisait ses ressources pour les redistribuer. Mon arrière-grand-père a fait fortune dans les plantations de canne à sucre et il s’est engagé activement pour améliorer les conditions de vie de ses ouvriers ». Un modèle de responsabilité sociale qui marqua profondément les générations suivantes.
« Ma mère allait travailler dans les dispensaires construits par mon grand-père. Ma grand-mère était la haute patronne de la fondation Cancer à Cuba, jusqu’à la Révolution ». L’engagement philanthropique se poursuit avec son grand-père, qui, dans les années 50, joua un rôle décisif dans la survie de l’Orchestre Philharmonique de La Havane en finançant instruments et musiciens, tout en contribuant à l’édification d’une aile de l’Université catholique de la Havane.
Un engagement désormais porté par son Altesse pour la cause des femmes victimes de viol dans les zones de guerre via l’association Stand Speak Rise Up.

Cape en jacquard bosselé rebrodé de perles, Maison Natan. Pull col roulé en cachemire, Bompard. Créoles argent, Pandora. Bracelet de métal, Liviana Conti. Bague en métal, Calvin Klein. L’autre bague appartient à S.A.R. Pantalon stretch noir, Diane Von Fürstenberg.
Vers une nouvelle vie
Le Premier ministre Luc Frieden nous confie au sujet de son Altesse : « Quand on la connaît bien, on sait que la Grande-Duchesse est une femme forte qui a des valeurs et des convictions. Elle sait les porter vers l’extérieur et se battre pour des causes nobles et je trouve cela formidable. Je l’ai observé il y a longtemps déjà, lorsqu’elle se battait pour promouvoir la microfinance en Afrique. Même si son statut change bientôt, elle continuera à porter la voix de ses convictions ».
La Grande-Duchesse se sent prête à clore un chapitre en octobre prochain lors de la passation de pouvoir et enfin entamer une nouvelle phase de sa vie. « Nous sommes heureux d’envisager cette nouvelle page en bonne santé, et de pouvoir profiter de la vie à deux et en famille ». Cela semble aussi être pour son Altesse Royale une forme de libération du poids d’un rôle qui laisse peu de place à la spontanéité.
« C’est une liberté de m’exprimer à laquelle j’aspire, sans être contrôlée ou empêchée ». Son Altesse Royale envisage de continuer à faire ce qui la passionne, auprès de sa fondation, de son association, de ses enfants et petits-enfants.

Ma valeur première en amitié est la bienveillance.
L’éducation, pour elle, n’est pas une simple transmission de savoir, mais un acte de dialogue continu. « La chose la plus importante pour moi, avec les jeunes, et surtout avec ceux de ma famille, c’est de partager ». C’est ainsi qu’elle nourrit les liens familiaux, convaincue que la communication est essentielle. « Il n’y a pas de tabou chez moi, il n’y en a simplement pas ».
Cette ouverture au dialogue ne se cantonne pas aux sujets de société, mais touche également aux aspects plus personnels de sa vie. « Mes enfants, mes belles-filles et mes petits-enfants sont au courant de tout ce que j’ai vécu ». Ils viennent régulièrement lui demander conseil, notamment ses petits-enfants. « C’est pour moi la chose la plus touchante ».
Cette relation privilégiée avec la jeunesse lui permet de leur transmettre son expérience. Elle les encourage notamment à trouver la voie qui leur correspond profondément. « Nous avons toujours voulu que nos enfants aient une vie un peu plus normale que la nôtre ». Une normalité comme garante d’une liberté retrouvée, cessant d’être ce mirage qui se profile à l’horizon sans jamais se rapprocher.

Robe drapée en carré de soie noire, Jean-Paul Knott. Boucles d’oreilles en laiton, Tweek-Eek. Bracelet et bagues « pétales de saphir », Mère et Fille. Micro sac “Caprice-Toy”, Maison Delvaux. Escarpins, Prada.
À lire également
Le boom des illustratrices luxembourgeoises
Social Freezing : congeler ses ovocytes pour repousser la maternité